L’industrie aéronautique face aux incertitudes des droits de douane

L'annonce des 20 % de droits de douane sur les produits européens, n’exclue visiblement pas le secteur aéronautique qui avait pourtant fait l’objet d’un accord de libre-échange avec le même Trump en 2019. Or, les échanges aéronautiques entre les Etats-Unis et la France sont relativement équilibrés et même interdépendants. Airbus a enregistré 110 commandes aux Etats-Unis et livré 154 appareils, dont plus de la moitié assemblés sur le sol américain, à Mobile (Alabama). Boeing a enregistré 178 commandes, mais n'a livré que 70 appareils en Europe, l'an dernier. Cependant, Boeing aurait dû en livrer une quarantaine de plus, si la production du 737 avait fonctionné au maximum de la cadence autorisée par la FAA. Les Etats-Unis représentent par ailleurs 11% à 12% du carnet de commandes d'Airbus (dont plus de la moitié d'A321), alors que l'Union européenne représente 14% de celui de Boeing.

Pour fabriquer leurs avions, Boeing et Airbus ont aussi largement recours aux équipementiers des deux côtés de l'Atlantique. Au total, l'industrie aéronautique française a ainsi importé des Etats-Unis pour 10,4 milliards d'euros d'équipements tels que les moteurs, les aérostructures, les trains d'atterrissage, l’avionique etc. Et à l'inverse, les industriels français ont exporté pour 8,9 milliards d'euros d'équipements aéronautiques variés.

L'analyse de l'APNA :

L'instauration de 20 % de droits de douane réciproques sur les produits aéronautiques européens et américains sera donc très dommageable des deux côtés de l'Atlantique puisque les avions Boeing et Airbus verraient leurs prix augmenter face à la concurrence embryonnaire chinoise. Comme lors de la première tentative de taxation de l’aéronautique en 2019, le bilan risque d’être plus négatif pour Boeing que pour Airbus et Safran, qui produisent déjà beaucoup aux Etats-Unis, alors que Boeing n’est présent que marginalement en Europe. Au-delà du renchérissement du prix des avions, c'est en effet l'organisation même de l'industrie aéronautique mondiale, basée sur une chaîne de sous-traitants dans le monde entier, qui pourrait être remise en cause avec la taxation de tous les composants importés d'Europe et d'ailleurs, pour fabriquer des avions aux Etats-Unis. Ainsi, les moteurs GE, dont la moitié des moteurs CFM, coproduits avec Safran, provient de France et le B787 dont 70 % des éléments sont fabriqués en Europe et en Asie pourraient voir leurs coûts très augmentés par les droits de douane, sauf à ce que Donald Trump actionne une disposition réglementaire américaine datant de 1789 - le « duty drawback » - permettant aux entreprises américaines de se faire rembourser les droits de douane acquittés sur des importations destinées à la fabrication de produits exportés. En clair, l'Etat fédéral subventionnerait ainsi les exportations de Boeing, tout en taxant celles d'Airbus aux Etats-Unis. Heureusement, le code des douanes français semble permettre la réciprocité : à lire.

Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/laeronautique-europeenne-prise-a-contrepied-par-les-annonces-de-trump-2157876

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