La consolidation des loueurs d’avions en question

Le japonais Sumitomo Corp rachète pour 7,4 Md$ le loueur américain Air Lease. L’opération, qui représente un engagement total de 28,2 Md$ (avec reprise de dette), est réalisée avec le soutien des fonds Brookfield et Apollo. Air Lease sera rebaptisée Sumisho Air Lease.

Avec plus de 1 200 avions en portefeuille et 489 en commandes, le nouvel ensemble devient le n°2 mondial du leasing, derrière l’irlandais AerCap (1 600 appareils) et devant Avolon. Les loueurs détiennent désormais plus de 50 % des 25.000 avions de la flotte mondiale, renforçant leur influence auprès d’Airbus et de Boeing, notamment dans la fixation des prix.

L'analyse de l'APNA:

La concentration des géants du leasing illustre la montée en puissance décisive des sociétés de location dans l’aérien mondial. En regroupant Air Lease et SMBC, Sumitomo crée un quasi-duopole avec AerCap, capable d’imposer ses conditions tarifaires aux avionneurs.

Pour les compagnies aériennes, cela se traduit par :

  • une dépendance accrue vis-à-vis de quelques acteurs financiers géants,

  • des loyers très élevés qui grèvent les marges (420–470 k$/mois pour un A321neo, 1,1 M$/mois pour un A350, 700–800 k$/mois pour un B787),

  • un choix stratégique crucial entre différents types de financement :

    • Leasing opérationnel : contrat de courte ou moyenne durée permettant d’utiliser un avion sans l’acheter. Flexible, il évite d’alourdir le bilan mais reste plus coûteux à long terme.

    • Leasing financier : le bailleur achète l’avion choisi par la compagnie, qui le loue ensuite avec option d’achat ou de prolongation à l’échéance. Plus engageant, mais potentiellement plus avantageux à long terme.

En raison de son endettement, le groupe Air France-KLM est le plus dépendant du leasing parmi les majors européennes, avec seulement un tiers de sa flotte en propriété et près de deux tiers en location. Lufthansa privilégie la propriété (70 %), tandis qu’IAG vise un équilibre 50/50.

À noter que les fonds Apollo et Brookfield, aujourd’hui alliés de Sumitomo dans l’opération Air Lease, ont déjà joué un rôle déterminant dans la recapitalisation d’Air France-KLM après la crise Covid, en cofinançant une structure propriétaire d’une partie des moteurs d’Air France. Leur présence simultanée dans le capital des loueurs et dans celui des compagnies aériennes renforce encore l’emprise des financiers sur la maîtrise des flottes.

Le dernier Salon du Bourget 2025 a d’ailleurs montré un autre aspect de cette interdépendance : AerCap et AFI KLM E&M sont entrés en négociations exclusives pour créer une joint-venture dédiée au leasing de moteurs LEAP (CFM LEAP-1A et LEAP-1B). Cette coopération illustre que les loueurs ne se limitent plus à la fourniture d’avions complets, mais s’implantent aussi dans la gestion des actifs moteurs et de la maintenance, renforçant encore leur rôle stratégique dans la chaîne aéronautique.

Cette évolution du marché, où les financiers deviennent les véritables propriétaires du ciel, pose une question stratégique : jusqu’où les compagnies doivent-elles céder la maîtrise de leur flotte et de leurs équipements aux loueurs pour préserver leur compétitivité immédiate sans sacrifier leur indépendance future ?

Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/le-rachat-dair-lease-accelere-encore-la-montee-en-puissance-des-loueurs-davions-2184249#

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