Le groupe Lufthansa : la course au moins-disant social
Discover Airlines, filiale loisirs du groupe Lufthansa, poursuit son expansion rapide avec l’arrivée de quatre Airbus A350-900 à partir de 2027, portant sa flotte à 40 appareils en 2028. Cette montée en puissance, appuyée sur une homogénéisation de la flotte autour des A330 et A320, s’inscrit dans une stratégie de croissance du segment tourisme du groupe allemand. Ces appareils, plus performants et économes, permettront à Discover d’étendre ses liaisons long-courrier vers l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Asie, tout en modernisant ses cabines pour un positionnement « premium loisirs ».
L'analyse de l'APNA:
Cette expansion illustre les conséquences directes de la décision récente de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui a invalidé les clauses périmétriques limitant l’action syndicale des pilotes à la seule maison mère Lufthansa. En affranchissant le groupe de ces contraintes, cette décision a ouvert la voie à une externalisation sociale systématique : la maison mère se vide de ses effectifs les mieux protégés au profit d’une galaxie de filiales à coûts salariaux plus faibles –Eurowings, Discover Airlines, CityLine, City Airlines – et de sous-filiales étrangères opérant sous des régimes plus souples.
Lufthansa adopte ainsi une stratégie déjà bien rodée chez IAG (British Airways, Iberia, Level, Vueling, Aer Lingus) : créer un écosystème de compagnies satellites, chacune optimisée pour un marché et un niveau de coût social donné, tout en maintenant une image de groupe intégré. Cette fragmentation permet de contourner les revendications syndicales unifiées et de calibrer les conditions de travail au plus près des exigences économiques du segment visé.
Cette évolution pose la question du nivellement social par le bas au sein du transport aérien européen. Alors que les majors se replient sur un modèle « holding » à filiales multiples, les pilotes se retrouvent fragmentés entre différents statuts, conventions et cultures d’entreprise. La décision de Karlsruhe, censée clarifier les règles de représentativité, consacre en réalité la déconstruction du modèle social intégré des grands groupes aériens allemands – un modèle qui avait pourtant longtemps servi de référence en Europe.
En filigrane, c’est l’équilibre même entre compétitivité et cohésion sociale du transport aérien européen qui vacille : les compagnies historiques se livrent désormais à une course au moins-disant social, pendant que leurs filiales captent la croissance et les marges.