Air France : un modèle en évolution

Air France lance un nouveau plan de rupture conventionnelle collective (RCC) prévoyant 404 départs volontaires au sol, principalement sur le réseau domestique et à Orly, dans un contexte de baisse durable du trafic intérieur. Ce plan marque une poursuite de la réduction progressive engagée depuis la crise sanitaire.

Entre 2020 et 2022, plus de 6 500 postes avaient déjà été supprimés. Le recul du court-courrier s’explique par la concurrence du TGV, la baisse des voyages d’affaires en raison notamment des visioconférences et la sobriété carbone adoptée par les entreprises.

Le trafic intérieur est passé de 31 à 19,5 millions de passagers entre 2019 et 2024, et celui d’Orly a chuté de 42,7 % sur la période.

Air France poursuit donc son recentrage stratégique sur Roissy-CDG pour l’international, et confie à Transavia le développement du low-cost à Orly.

Les pertes sur le réseau domestique (–220 M€ en 2024) contrastent avec les bons résultats du long-courrier, qui a dégagé 1,8 Md€ d’EBITDA, en hausse de 12 %.

Enfin, cette réduction d’effectifs au sol ne pourra que s’accélérer dans les années à venir avec le développement de l’intelligence artificielle, qui automatisera de plus en plus les tâches d’assistance, de planification et de gestion passagers.

L'analyse de l'APNA:

Ce plan s’inscrit dans la transformation profonde du modèle économique d’Air France, désormais soumise à une double contrainte : l’évolution structurelle de sa clientèle et l’exigence accrue de rentabilité pour rembourser les 12 milliards d’euros de dettes souscrites en période Covid.

La compagnie nationale abandonne progressivement son rôle de transporteur domestique maillant le territoire pour se concentrer sur son hub de Paris-CDG, optimisant ses capacités sur les segments long-courrier et premium, seuls aujourd’hui profitables.

Ce changement traduit un virage culturel majeur : Air France n’est plus la compagnie de la desserte nationale, mais une entreprise de réseau international alignée sur les logiques de performance économique.

L’intégration croissante de Transavia pour absorber les liaisons à faible rentabilité confirme cette évolution vers un modèle dual — premium international / low-cost domestique et moyen-courrier— comparable à celui de Lufthansa–Eurowings ou d’IAG–Vueling.

Mais cette stratégie s’accompagne d’une transformation sociale radicale : il y a quarante ans, les grandes compagnies dites Majors comptaient environ dix personnels au sol pour un navigant ; aujourd’hui, ce ratio est tombé à deux personnels au sol pour trois navigants en raison de l'augmentation de la productivité et d'une sous-traitance accrue.

Les compagnies low-cost, qui externalisent presque totalement leurs fonctions support, atteignent même des ratios extrêmes d'un personnel au sol pour neuf navigants.

L’automatisation, la digitalisation des opérations et désormais l’essor de l’intelligence artificielle accélèrent cette tendance, réduisant encore le besoin en effectifs de support.

À cela s’ajoute une concurrence déloyale croissante : les compagnies du Golfe (Qatar Airways, Emirates, Etihad) multiplient les ouvertures de lignes directes vers les aéroports régionaux français — Lyon, Nice, Toulouse, voire Bordeaux — captant ainsi une clientèle long-courrier sans passer par les hubs nationaux.

De même, Turkish Airlines, bénéficiant de créneaux quasi illimités concédés par l’Union européenne, consolide sa position de hub alternatif via Istanbul, drainant une part croissante du trafic européen et africain au détriment des compagnies communautaires.

Dans ce contexte, Air France, corsetée par une fiscalité nationale toujours plus lourde et des contraintes environnementales unilatérales, se retrouve dans une position structurellement désavantagée face à des concurrents extra-européens subventionnés, à coûts moindres et à réglementation plus souple.

Autrement dit, Air France est sommée d’être rentable en se réinventant dans un marché inégal.

Source : https://lessentieldeleco.fr/3778-air-france-supprime-plusieurs-centaines-demplois/#:~:text=Selon%20L'Informé%2C%20265%20des,arrêté%20du%2012%20septembre%202025

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