Navigation aérienne française : un cadre budgétaire inadapté

Aux États-Unis, le blocage budgétaire au Congrès menace de paralyser la Federal Aviation Administration (FAA) : plus de 11 000 de ses 45 000 agents pourraient être mis en congé sans solde, soit près d’un quart des effectifs. Les contrôleurs aériens et les agents de la sûreté (TSA) continueraient à travailler, mais sans rémunération, avec un risque d’absentéisme croissant et de retards massifs. Le shutdown, dû à l’absence d’accord entre démocrates et républicains sur la loi de finances fédérale 2026, pourrait coûter jusqu’à un milliard de dollars par semaine au secteur du transport aérien et du tourisme.

Malgré cette crise, la FAA maintient la formation et le recrutement de contrôleurs afin d’éviter un affaiblissement durable du système de navigation aérienne — une décision saluée par les compagnies mais qui souligne la fragilité du financement public de la sûreté et de la sécurité aérienne américaine.

L'analyse de l'APNA:

Le blocage budgétaire américain illustre les risques d’un financement public direct des fonctions régaliennes : la FAA, pourtant pilier de la sécurité aérienne mondiale, se retrouve fragilisée par les luttes partisanes du Congrès.

En comparaison, le système français paraît, à première vue, plus robuste. Le budget annexe “Contrôle et exploitation aériens” (BACEA) assure à la DGAC une certaine autonomie financière, alimentée par les compagnies aériennes via les redevances et la taxe de l’aviation civile (TAC). Cette autonomie, si souvent critiquée, constitue en réalité un moindre mal : si la DGAC relevait du budget général de l’État, elle subirait de plein fouet les blocages, gels d’emplois et transferts arbitraires de crédits qui gangrènent la gestion publique française.

En 2024, ce budget annexe s’élève à 2,5 milliards d’euros, dont 1,32 milliard de masse salariale pour environ 10 250 agents, dont environ 900 millions au bénéfice de 3400 contrôleurs aériens. Autrement dit, les compagnies financent entièrement les salaires, la formation, la certification et la surveillance assurés par leur propre tutelle administrative.

Et pourtant, une lettre de cadrage du ministère des Finances interdit à la DGAC d’utiliser la totalité de ses recettes, et l’oblige même à reverser une partie de la taxe qui la finance aux compagnies aériennes.

Ainsi, il faut reconnaître que le système actuel ne fonctionne pas. La question centrale est désormais celle de la compatibilité entre une gestion de la navigation aérienne moderne et performante, et le cadre rigide de la fonction publique. Aujourd’hui, la DGAC cumule les défauts :

  • des délais de formation des contrôleurs aériens de 5 ans en moyenne, contre 2 à 3 ans ailleurs en Europe,

  • une gestion RH soumise aux mêmes règles que l’Éducation nationale, avec ses rigidités statutaires,

  • et des règles de gel des effectifs décidées par Bercy, alors même que le financement provient non pas de l’impôt, mais de redevances payées par les compagnies.

L’autonomie budgétaire actuelle n’a donc de sens que si elle s’accompagne d’une réforme structurelle. Deux chantiers s’imposent :

  1. La séparation claire entre l’opérateur et le régulateur. Il n’est ni sain ni efficace que la DGAC régule elle-même la DSNA (Service du contrôle aérien), dont elle assure la gestion opérationnelle.

  2. La transformation de la DSNA en agence de l’État, ou en entité de typeNATS (Royaume-Uni) ou DFS (Allemagne), avec une gouvernance spécifique, un cadre RH adapté et une responsabilité économique directe sur la qualité de service.

Tant que ces réformes ne seront pas menées, la France restera enfermée dans une contradiction : une DGAC “autonome” mais bridée, un opérateur de navigation aérienne financé par les compagnies mais géré comme une administration, et des professionnels victimes d’un système qui, sous couvert de stabilité, produit l’inefficacité, le retard et la désorganisation.

En définitive, l’absurdité n’est pas tant dans l’autonomie budgétaire de la DGAC que dans le maintien d’un modèle administratif inadapté à la complexité et à la réactivité qu’exige la navigation aérienne moderne.

Source : https://www.air-journal.fr/2025-10-01-faa-plus-de-11-000-agents-menaces-de-conge-force-en-raison-dun-blocage-budgetaire-aux-etats-unis-5266117.html

Précédent
Précédent

La compagnie TAP, un enjeu pour Air France-KLM, Lufthansa et IAG

Suivant
Suivant

Le Ciel unique européen est une exigence écologique