La robustesse de la supply chain est l’enjeu majeur des constructeurs d’avions
Airbus est confronté à une menace sociale au Royaume-Uni : les 3 000 salariés des sites de Broughton et Filton, où sont assemblées les ailes de la quasi-totalité des Airbus (hors A220), ont voté une grève perlée à partir de septembre. Un arrêt prolongé bloquerait immédiatement la production mondiale. Airbus se veut néanmoins confiant, comptant sur un stock d’avions déjà assemblés en attente de moteurs pour atteindre son objectif de 820 livraisons en 2025. La direction des sites anglais rappelle avoir accordé plus de 20 % de hausses de salaires en trois ans.
Cette tension sociale survient alors que l’industrie sort à peine d’un autre choc : le rachat de Spirit AeroSystems par Boeing en 2024. Spirit, fournisseur clé de fuselages pour Boeing mais aussi de sections d’A350 et d’A220 pour Airbus, a été affaibli par des problèmes qualité et une situation financière critique. Boeing a repris le contrôle, contraignant Airbus à négocier pour récupérer certains sites afin de sécuriser ses propres chaînes.
L'analyse de l'APNA:
Cet épisode illustre une réalité structurelle : les avionneurs ne produisent qu’une faible part de leurs avions. Ils sont avant tout des assembleurs de près de 2 millions de pièces issues de milliers de fournisseurs mondiaux. Une seule rupture – qu’elle soit sociale, industrielle ou logistique – suffit à bloquer la chaîne entière.
Historiquement, les goulots d’étranglement existaient déjà (trains d’atterrissage, cabines…), mais la mondialisation et l’hyper-spécialisation des sites ont amplifié cette fragilité. La montée en cadence d’Airbus vers plus de 80 avions par mois repose aujourd’hui sur un équilibre instable, où chaque aléa devient un risque systémique.
L’affaire Spirit comme la menace de grève au Royaume-Uni rappellent une évidence : la robustesse de l’industrie aéronautique repose moins sur la capacité d’Airbus et de Boeing que sur la solidité d’un écosystème éclaté et interdépendant. Garantir cette résilience est un enjeu de souveraineté industrielle pour l’Europe.